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Le décret du 5 mars 1987 réorganise l’office du budget, le dénommant « Direction Générale du Budget ».

Entre temps, la constitution de 1987, en son article 223, précise que le contrôle de l’exécution de la loi sur le budget et sur la comptabilité Publique est assuré par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif et par l’Office du Budget.

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Posté dans Interview

De 2015 à 2025, le budget national est passé de 123 à 323 milliards de gourdes, selon Jean Michel Silin

Publié le 07 jui 2025

Créée le 8 mai 1962, la Direction générale du Budget (DGB) a commémoré, sans tambour ni trompette, ses 63 ans le mois dernier. Profitant de cette occasion, Le Nouvelliste a choisi de mettre sous le feu des projecteurs cette entité rattachée au ministère de l'Economie et des Finances (MEF), en invitant le directeur général de la DGB, Jean-Michel Silin, à faire la lumière sur la mission, les réalisations, les obstacles rencontrés au cours de son parcours, notamment en ce qui concerne l'une de ses principales préoccupations, l'élaboration du budget national.


Le Nouvelliste (L.N.) - La DGB fête ses 63 ans d'existence. 63 ans plus tard, quelles sont les plus grandes avancées observées au niveau de la préparation et de l’exécution du budget, ce document important qui détermine les politiques publiques et qui a donné son nom à la Direction générale du budget (DGB)? 


Jean Michel Silin (J.M.S.) Depuis sa création, la DGB a connu de nombreuses avancées significatives. Ces progrès se sont notamment concrétisés dans le cadre du renforcement institutionnel et réglementaire. Plusieurs dispositifs ont été mis en place, tant au niveau juridique qu’opérationnel, à travers le temps. En nous concentrant sur les dernières années, nous pouvons mentionner à la fois les initiatives et la participation de la DGB visant non seulement la modernisation de la gestion des finances publiques haïtiennes, mais également le meilleur mécanisme à mettre en place en vue de la fourniture de services de qualité à la population. A titre d’exemple, on peut citer :


  • 2012- Réécriture du décret du 16 février 2005 relatif à l’élaboration et à l’exécution des lois de finances en vue de prendre en charge toutes les facettes du processus de modernisation des finances publiques
  • Création de la Commission de réforme des finances publiques et de la gouvernance économique avec, entre autres, un Comité sectoriel CADRE GLOBAL DU BUDGET (incluant le Contrôle externe)
  • Publication en octobre 2015 du décret fixant les règles fondamentales relatives à la nature, au contenu, à la procédure d'élaboration, de présentation et d'adoption des lois de finances qui vise à introduire de nombreuses innovations nécessaires à la modernisation des finances publiques ;
  • Elaboration d’un Plan d'actions de la DGB dans le cadre du PARFIP 2016-2018 ;
  • Adoption et publication de la loi remplaçant le décret du 16 février 2005 sur le processus d’élaboration et d’exécution des lois de finances (LEELF) ;
  • Elaboration d’un document de stratégie de mise en œuvre de la LEELF ;
  • Sensibilisation au nouveau mode de gestion de budgétisation par programme
  • Mise en place d'un comité de suivi pour la mise en œuvre de la LEELF ;
  • Elaboration d’un projet pilote de Budget-Programme (2018) et des canevas méthodologiques des outils ;
  • Préparation de cadrage pluriannuel/renforcement macroéconomique ;
  • Mise en place de la mercuriale de prix/système de prix de référence ;


Avec l’adoption de la LEELF, des travaux sont en cours en vue de l’élaboration de manuels de procédures (élaboration et exécution du budget), du développement de documents programmatiques (Cadre budgétaire à moyen terme (CBMT), Cadre de dépenses à Moyen Terme (CDMT)) et de la réorganisation de la structure organisationnelle de la DGB. 

Par ailleurs, d’importants mécanismes ont été développés pour améliorer l’élaboration, la gestion, le contrôle et le suivi du budget. On peut notamment citer :

  • Le renforcement des outils de suivi de l’exécution budgétaire ;
  • L’amélioration du document de présentation du budget général de l’Etat ;
  • La digitalisation progressive de certains processus et procédures, visant à moderniser la gestion budgétaire ;
  • L’introduction du Budget-Programme, déjà expérimenté avec trois ministères pilotes ;
  • Une meilleure prise en compte des objectifs de politiques publiques dans la répartition des crédits budgétaires.


Enfin, un accent particulier a été mis sur le renforcement du contrôle interne à travers la création du corps des contrôleurs financiers et le déploiement progressif des contrôleurs tant au niveau des institutions qu’au niveau des départements, pour garantir une exécution budgétaire plus rigoureuse et conforme.



L.N. -  En plus de l'élaboration du budget et le contrôle de son exécution, la DGB a-t-elle d'autres rôles à jouer ?


J.M.S. - Oui. La DGB exerce plusieurs autres attributions en lien avec sa mission principale, qui est d’assurer la mise en œuvre de la politique budgétaire de l’État. Ces attributions incluent notamment :

-  La gestion de la solde (payroll) des agents publics de l’administration de l’État ;

- L’élaboration de stratégies de modernisation des finances publiques ;

- La définition/élaboration de principes budgétaires modernes, le développement d’outils de gestion budgétaire, et la vérification de leur application ;

- La participation à l’élaboration des règles de comptabilité publique ;

- La contribution aux négociations de programmes économiques et financiers engageant l’État haïtien.


L.N. - Quelle a été l’évolution du budget général de la République ces 20 dernières années ?


J.M.S. - Au cours des dix dernières années (2015-2025), l’enveloppe budgétaire globale a connu une croissance remarquable, passant de 123,08 milliards à 323,45 milliards de gourdes, soit un taux de croissance annuel moyen d’environ 11%. Cette augmentation soutenue s’explique par la nécessité, pour l’État, de mobiliser progressivement davantage de ressources afin de faire face à une série de défis, apparus ou accentués au fil du temps. Qu’ils soient d’ordre structurel ou conjoncturel, les réformes économiques, les catastrophes naturelles, les épidémies, l’inflation, le chômage ou encore l’instabilité sociopolitique ont constamment sollicité une réponse budgétaire renforcée.


L.N. - Quels sont les grands gagnants des augmentations budgétaires sur la période ?


J.M.S. - Sur la période considérée, le budget national a affiché un taux de croissance annuel moyen d'environ 11 %, traduisant une dynamique générale d'expansion de l'enveloppe budgétaire. Toutefois, cette croissance ne s'est pas répartie uniformément entre les institutions publiques.

En termes de variations relatives, certaines entités institutionnelles telles que le ministère de la Défense (MDN), le ministère des Affaires Sociales et du Travail (MAST), l'Office de protection du citoyen (OPC), le ministère de l'Environnement (MDE) et le Conseil électoral provisoire (CEP) se démarquent par des hausses significatives de leurs allocations budgétaires. Ces institutions ont enregistré, en moyenne, les plus fortes croissances budgétaires sur l'ensemble de la série temporelle analysée.


Evolution des crédits des 5 plus grands bénéficiaires d’augmentations budgétaires (en millions de gourdes)

En revanche, certaines institutions, bien que présentant des variations annuelles relativement modérées, conservent une partie structurellement élevée du budget national. Ces entités, telles que le MENFP, MJSP, MTPTC demeurent des bénéficiaires majeurs en volume absolu, compte tenu de leur poids historique et fonctionnel dans l'architecture budgétaire de l'État. Ainsi, même en l'absence d'augmentations proportionnellement marquées, leur impact budgétaire reste prépondérant.


L.N. - La DGB, en élaborant le budget, peut-elle fixer ou modifier des crédits budgétaires ? 

J.M.S. -  Dans le cadre de l’élaboration du budget, la détermination des perspectives budgétaires repose d’abord sur la situation existante, en faisant l’hypothèse que la situation budgétaire restera telle quelle en attendant les mesures nouvelles soumises par les institutions sectorielles.

C’est sur la base de ces perspectives budgétaires que le projet de lettre de cadrage est élaboré et soumise aux autorités pour validation. Une fois validée, la lettre de cadrage est transmise aux institutions sectorielles qui devront initier la préparation de leurs propositions de dépenses au MEF et au MPCE. Des conférences budgétaires sont ensuite réalisées pour des échanges techniques entre le MEF et le MPCE. A l’issue de ces conférences, les rapports y relatifs sons soumis aux autorités pour décision finale. Ainsi, la DGB ne fixe ni ne modifie les crédits budgétaires ; elle en propose une estimation technique, qui reste sujette à arbitrage technico-politique.


L.N. - Quel rôle pourrait jouer la DGB dans le cadre de la transparence budgétaire ?

J.M.S. -   La  DGB joue un rôle majeur dans le renforcement de la transparence budgétaire. Cela se traduit notamment par :

- La préparation des rencontres de consultations pré-budgétaires (il s’agit d’une série de rencontres sont organisées avec le secteur privé des affaires, les organisations de la société civile sur les grandes orientations du budget ainsi que les mesures fiscales et tarifaires à insérer dans le document budgétaire ;

- La publication régulière de données budgétaires ;

- L’amélioration de l’accès à l’information via des plateformes numériques ;

- La disponibilité des cadres de la DGB à répondre aux préoccupations des intéressés sur la gestion des finances publiques ;

- Et la mise à disposition de documents budgétaires dans des formats clairs et accessibles à l’ensemble des citoyens.

Nous nous sommes toujours engagés à informer et à former nos partenaires, tant publics que privés, ainsi que les citoyens, sur le contenu du budget tant à la fois dans le cadre de son élaboration que de son exécution. Cet engagement s’est manifesté à travers l’organisation de forums de discussion, de journées portes ouvertes et d’autres initiatives de sensibilisation.

Dans cette même logique de transparence, nous travaillons actuellement à la conception et à la diffusion d’un Budget Citoyen pour 2025-2026, un document visant à rendre l’information budgétaire compréhensible et accessible à toutes et à tous.

L.N. - Pourquoi l'application du Budget-Programme reste un défi en Haïti ? 

J.M.S. - Malgré l’adoption de la Loi sur l’élaboration et l’exécution des lois de finances (LEELF), l’application effective du Budget-Programme en Haïti reste confrontée à de nombreux défis.

Il convient de souligner, d’entrée de jeu, l’absence de documents de programmation d’ordre général et sectoriel, qui constituent pourtant des prérequis essentiels à une mise en œuvre efficace du budget axé sur les résultats.

Les défis rencontrés par la  DGB peuvent être regroupés en deux grandes catégories :

les défis politiques et les défis techniques.

A. Défis d’ordre politique

- Un contexte social, économique et sécuritaire instable, peu propice à la confiance, à l’engagement des acteurs internes et externes, et à la continuité des réformes ;

- Un faible engagement politique des autorités dans la mise en œuvre des réformes budgétaires ;

- L’impact déstabilisateur des programmes humanitaires d’urgence, qui entraînent une forte mobilité du personnel technique et affectent la pérennité des compétences au sein de l’administration publique.

B. Défis d’ordre technique

- Une inadéquation du cadre réglementaire global avec les exigences du Budget-Programme ;

- L'absence de management participatif ou délégatif dans l’administration publique, ce qui freine l’appropriation de la réforme ;

- Un manque de ressources humaines qualifiées, expérimentées et en nombre suffisant pour élaborer les outils de gestion nécessaires et assurer la mise en œuvre efficace du Budget-Programme.

L.N. - Compte tenu de l'impact négatif de l'insécurité sur toutes les sphères d'activité du pays, pouvez-vous dire en quoi précisément l'insécurité ambiante impacte-t-elle le travail de la DGB au cours des dernières années ?

J.M.S. - Au cours des dernières années, l’insécurité généralisée qui règne à des répercussions profondes et directes sur le fonctionnement quotidien de la DGB. Le contexte est marqué par :


    • la présence de groupes armés dans plusieurs zones,
    • des actes d’intimidation à l’encontre des employés,
    • des mouvements de protestation violents,
    • des routes fréquemment bloquées,
    • des détonations et échanges de tirs réguliers,
    • et le risque constant de balles perdues.

Ce climat d’insécurité a des conséquences concrètes sur notre travail :


    • Il perturbe la mobilité du personnel, rendant les trajets domicile-travail non seulement difficiles, mais dangereux ;
    • Il affecte le bien-être moral et physique des agents, avec un impact direct sur la productivité, la concentration et la stabilité émotionnelle ;
    • Il fragilise la continuité des opérations administratives, en raison des absences
    • liées à la peur ou à l'impossibilité de se rendre sur les lieux de travail ;
    • Il entrave la tenue régulière de réunions interinstitutionnelles, essentielles dans les processus d’élaboration et de suivi du budget.

Malgré ces conditions extrêmement éprouvantes, les cadres et agents de la DGB font preuve d’une résilience admirable, poursuivant leurs missions avec professionnalisme, engagement et sens du devoir, souvent au prix de leur sécurité personnelle.

L.N. - Le budget initial 2024-2025 et le budget rectificatif, les deux ont été formatés dans le but de bloquer la spirale de croissance négative enclenchée depuis 6 ans. On est actuellement au 8e mois de l'exercice fiscal, au vu de l'évolution des indicateurs économiques, est-on plus proche d'une 7e année de contraction ou d'un retour à la croissance ?

J.M.S. - L’évolution actuelle des indicateurs économiques demeure incertaine et fragile. À ce stade de l’exercice, les signaux disponibles laissent présager une 7e année consécutive de contraction économique.

Cependant, il est important de souligner que le budget initial 2024-2025 et le budget rectificatif ont été élaborés dans une logique de redressement, avec pour objectif de freiner la spirale de croissance négative.

Les mesures budgétaires adoptées, notamment en matière d’allocation stratégique de crédits à des secteurs et de facilitation de certaines dépenses prioritaires, visent à créer les conditions favorables à un retour progressif à la croissance.

Ce retour dépendra toutefois de l’évolution du contexte sécuritaire, de la stabilité institutionnelle et de la mobilisation effective des ressources internes et externes.

L.N. - Selon le décret du 23 mai 2005, le cycle de préparation du budget dure un an, c'est-à-dire du 15 octobre au 30 septembre de l’année suivante. Dans le cas du budget rectificatif, est ce qu'il y a une durée prévue pour sa 

préparation ? Peut-on avoir deux budgets rectificatifs en une année ?

J.M.S. - Tout d’abord, il s’agit du décret du 16 février 2005. Ce décret a été remplacé par la Loi du 4 mai 2016 sur l’élaboration et l’exécution des lois de finances (LEELF). Aucune disposition légale ne fixe le nombre de budgets rectificatifs pour un exercice fiscal.

En théorie, un budget rectificatif peut être élaboré chaque fois que des ajustements majeurs s’imposent, qu’ils soient techniques, économiques, politiques ou liés à des événements imprévus. 

Cependant, la pratique de présenter plusieurs budgets rectificatifs dans une même année reste exceptionnelle. Elle dépend fortement de :

La révision des hypothèses à partir desquelles le budget initial a été élaboré, a savoir :

  • la conjoncture macroéconomique (inflation, taux de change, recettes publiques),
  • la situation politique et sécuritaire du pays,
  • ou encore des chocs externes ou catastrophes naturelles ayant un impact important sur l'exécution du budget initial

L.N.- Les allocations de la Présidence dans le budget rectificatif soulèvent quelques remous dans l’opinion publique. En effet, de 2010 à 2025, ces allocations ont augmenté de 200%.  Pour une entité à laquelle on ne reconnaît pas généralement de grands besoins d'investissements, n'est-ce pas une trop forte augmentation ?


J.M.S. - Comme il a été dit précédemment, la DGB ne décide pas des allocations budgétaires aux institutions sectorielles. Les propositions sont reçues, analysées et soumises aux autorités compétentes pour décision finale

L.N. - Souvent, les allocations budgétaires existent mais les fonds hors fonctionnement et dépenses courantes ne sont pas dépensés, comme c’est le cas pour la PNH et les FADH entre autres. Qu’est ce qui explique que la partie investissement du budget soit le parent pauvre des dépenses en Haïti ?

J.M.S. - La faiblesse des dépenses d’investissement en Haïti s’explique en grande partie par des dysfonctionnements dans le processus d’élaboration et d’exécution du Programme d’investissement public (PIP). En principe, tout projet inscrit dans le budget d’investissement doit respecter un ensemble de critères, notamment l’existence du document de projet et la soumission d’autres documents techniques complets, comme la Fiche d’identification et d’orientation de Projet (FIOP), les études de faisabilité, et un plan de financement. Or, dans la pratique, plusieurs institutions se limitent à proposer des idées de projets avec un simple intitulé, sans fournir les documents requis. Ces projets sont malgré tout inclus dans le budget sous réserve que les pièces manquantes soient transmises avant toute demande de décaissement, conformément aux règles comptables et aux procédures de passation de marchés publics.


Cependant, lors de la phase d’exécution, les institutions concernées ne respectent pas toujours cet engagement et ne soumettent pas les documents exigés. En conséquence, le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) ainsi que le ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE) se trouvent dans l’impossibilité de valider les demandes de décaissement. Ce blocage administratif, combiné à des faiblesses institutionnelles et un manque de capacités techniques, entraîne un très faible taux d’exécution des dépenses d’investissement, malgré leur rôle central dans la stimulation de la croissance, la création d’emplois et le développement des infrastructures.

Il est donc urgent de renforcer l’accompagnement technique des institutions publiques, de mieux encadrer la planification des projets, et d’instaurer une rigueur accrue dans le respect des critères du PIP, afin que les investissements publics cessent d’être marginalisés et deviennent de véritables leviers de développement durable.

L.N. - Quels sont les principaux obstacles à la réalisation du budget en Haïti ?

J.M.S. - La réalisation du budget en Haïti se heurte à plusieurs obstacles majeurs. Le climat socio-politique instable perturbe régulièrement le calendrier budgétaire, rendant difficile le respect des échéances prévues. À cela s’ajoute la prévisibilité limitée de l’aide externe, qui compromet la planification des ressources disponibles. La faiblesse des recettes internes entraîne une limitation des ressources, ce qui réduit la capacité de l’État à financer les priorités nationales. Enfin, le système budgétaire actuel présente de nombreuses insuffisances, tant au niveau de la planification que de l’exécution et du suivi, ce qui affecte l’efficacité globale de la gestion des finances publiques.


L.N. - Le budget ce sont les dépenses mais aussi les entrées. Mis à part les douanes qui rencontrent les objectifs fixés quels sont les points de faiblesse de la collecte de ressources et comment la DGB compte y remédier ?

J.M.S. - Le budget concerne à la fois les dépenses et les recettes. Si l’Administration générale des douanes (AGD) parvient globalement à atteindre les objectifs qui llui sont fixés, il existe cependant plusieurs points de faiblesse dans la collecte des ressources. Il est important de préciser que ce n’est pas à la DGB de remédier directement à ces insuffisances, car elle est, tout comme la DGI et l’AGD, une entité technique de soutien chargée d’accompagner le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) dans la réalisation de sa mission.

Pour répondre à la question, il convient d’examiner plusieurs aspects : le rôle du MEF en matière de pilotage stratégique, celui des institutions de perception (DGI et AGD) dans la mise en œuvre de mesures de contrôle efficaces pour améliorer la mobilisation des ressources, la situation socioéconomique générale du pays, ainsi que le comportement fiscal des différents acteurs économiques — grandes, moyennes et petites entreprises, sans oublier les professionnels — vis-à-vis de leurs obligations fiscales.

L.N. - Le budget nécessite des procédures de contrôle strictes, là encore qu’est-ce qui fait défaut à Haïti et à quoi peut-on s’attendre dans les mois à venir pour des dépenses publiques plus saines ?

J.M.S. - Pour que les dépenses publiques en Haïti deviennent plus saines et efficaces, il ne suffit pas de renforcer les mécanismes de contrôle. Il est essentiel d’investir dans la planification stratégique, de renforcer les capacités du personnel en matière de préparation et de montage des dossiers techniques et financiers, et surtout, d’instaurer une véritable volonté politique de respecter les règles et procédures établies.

Le renforcement du système judiciaire est également incontournable pour que les gestionnaires de fonds publics puissent être mis en face de leur responsabilité quant aux sanctions qui leur incombent en cas de non-

respect des règlements en vigueur.

L.N. - Souvent, le pays s’est retrouvé avec des budgets insincères. Ce temps sera-t-il derrière nous ? Qu’est-ce qui peut expliquer que la DGB se retrouve avec un budget qui ne rencontre pas la réalité ?

J.M.S. - Il est important de comprendre que l’élaboration du budget et son exécution se déroulent dans des contextes souvent très différents. Il peut arriver que le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) fasse preuve d’un certain optimisme dans ses prévisions de ressources, mais celles-ci sont généralement fondées sur des hypothèses techniques de base. Toutefois, plusieurs facteurs peuvent expliquer que l’exécution du budget ne reflète pas fidèlement les prévisions initiales. Parmi ceux-ci figurent notamment le climat sécuritaire et sociopolitique, qui peut fortement perturber l’environnement général et limiter la capacité opérationnelle de l’administration publique. Ainsi, les écarts entre les prévisions et la réalité ne relèvent pas uniquement de la DGB, mais résultent d’un ensemble de contraintes exogènes et endogènes qui affectent la mise en œuvre du budget.

L.N. - Le stock de dettes publiques a beaucoup baissé depuis l’entente trouvée avec le Venezuela. Quelle est la situation de la dette publique interne et externe aujourd’hui ?

J.M.S. - Suite à l’entente trouvée avec le Venezuela en ce qui concerne le prêt Petrocaribe, la dette externe a connu globalement un allègement. Ce prêt constituait une part assez importante du remboursement mensuel des dettes, dont le montant s’élevait à un milliard de gourdes en moyenne. Par ailleurs, le service de la dette interne a maintenu la tendance du passé.

L.N. - La communauté internationale contribue beaucoup au budget d’Haïti. Souvent les promesses ne sont pas tenues ou Haïti ne peut pas rencontrer les conditionnalités des contributions. Là encore, que compte faire la DGB pour améliorer la capacité d’absorption du pays ?

J.M.S. - Oui, la communauté internationale joue un rôle important dans le financement du budget haïtien, notamment à travers les aides projet. En ce qui concerne les appuis budgétaires directs, force est de constater qu’au cours des cinq dernières années, Haïti en a reçu très peu, malgré de nombreuses promesses. Ces appuis sont généralement conditionnés à la mise en œuvre de réformes précises. Sur le plan technique, la DGB et d’autres entités concernées s’efforcent de remplir les conditionnalités exigées. Cependant, l’instabilité institutionnelle et politique, ainsi que le manque de légitimité perçue des autorités nationales, constituent des obstacles majeurs aux décaissements de certains financements annoncés par les bailleurs. Ainsi, au-delà des efforts techniques, la capacité d’absorption du pays dépend également d’un environnement politique stable et crédible.


L.N. - Le budget est fait pour rencontrer des résultats. Et les projets financés par la communauté internationale et ceux sous financements locaux ne sont pas toujours concrétisés, ni dans les temps impartis ni dans les faits. Comment la DGB vérifie, contrôle et améliore la réalisation des promesses budgétaires ?

J.M.S. - Il convient de préciser que les projets financés par des ressources extérieures (aides projet) ne sont généralement pas exécutés selon les procédures de la comptabilité publique. De ce fait, ils ne suivent pas les grandes phases classiques de l’exécution des dépenses budgétaires. Leur gestion et leur exécution sont souvent confiées à des agences ou à des entités fiduciaires.

La DGB n’intervient donc pas directement dans le contrôle de ces projets. Toutefois, à des fins d'information, elle sollicite des données auprès des bailleurs sur l’état d’exécution financière, et auprès des ministères bénéficiaires sur l’état d’exécution technique des projets inscrits au budget.

Il est important de souligner que cette situation constitue une faiblesse du système. Tout ce qui est inscrit  dans le budget national devrait normalement faire l’objet d’un contrôle, d’un suivi et d’une évaluation par les institutions haïtiennes compétentes.


L.N. - Avez-vous un mot à adresser aux contribuables et aux citoyens ?


J.M.S. -Nous poursuivons la mise en œuvre des réformes en vue de l’opérationnalisation du budget programme. Dans ce cadre, nous redoublons d’efforts pour rendre le budget plus transparent et accessible. La publication d’un budget citoyen est prévue afin de permettre à tous de mieux comprendre les priorités et les choix budgétaires de l’État, et de rapprocher davantage l’action publique des citoyens.

La DGB est toujours disposée et disponible pour donner tout éclaircissement en matière de gestion des finances publiques et se fait un devoir de communiquer les informations y relatives.


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