Un an après l’apparition de la Covid-19, le monde tarde encore à se libérer de l’étau de ce fléau qui a fortement secoué les bases de l’économie mondiale. C’est le temps de la relance, tout le monde s’y met. Haïti aussi avec son Plan de relance économique post-Covid, le PREPOC. A l’occasion de la 11e édition du Sommet international de la finance, le ministère de l’Économie et des Finances a une nouvelle fois présenté ce document au grand public.
C’est au directeur général du Budget au ministère de l’Économie et des Finances, Jean Michel Silin chargé de faire la présentation du Plan de relance économique post-Covid (PREPOC 2020-2023) au Sommet de la finance de cette année. Rendu public le 11 janvier dernier par le gouvernement haïtien, le PREPOC 2020-2023, au dire de M. Silin, se veut un cadre opérationnel des actions stratégiques et urgentes, assorti d’un dispositif de suivi, à mettre en œuvre pour remettre rapidement l’économie sur le sentier de la croissance, redresser les finances publiques et apporter une réponse urgente aux besoins sociaux.
On définit également le PREPOC comme un document de référence unique pour la programmation et le suivi des politiques et actions publiques prioritaires au sein du gouvernement qui servira de cadre d’orientation des budgets correspondants aux trois exercices fiscaux 2020-2021, 2021-2022, 2022-2023.
Pour le représentant du MEF, le PREPOC s’inscrit également dans une démarche de transition parce que l’État dispose d’un plan de développement stratégique d’Haïti (PSDH) qui est en cours de révision. En attendant cette révision, le PREPOC va servir de document de référence à l’État haïtien et aux différents acteurs du développement.
Pour comprendre l’importance du PREPOC face aux perturbations créées par la crise sanitaire qui a vraiment affecté l’économie, il convient d’analyser les chocs sur l’offre et la demande occasionnés par la pandémie. Ces chocs peuvent être constatés à travers cinq principaux canaux :
la baisse des recettes d’exportation liée à l’effet conjugué de la baisse des prix des produits de base d’exportation et à la contraction du commerce mondial ;
le ralentissement de l’investissement direct étranger ;
l’arrêt brutal des revenus issus des voyages et du tourisme ;
la contraction des revenus financiers ;
la forte perturbation des systèmes de santé et d’éducation.
Ces chocs qui ont grandement perturbé l’activité économique et sociale en Haïti ont encore amplifié le phénomène de la dégradation du cadre macroéconomique conséquences beaucoup plus graves sur la situation économique déjà précaire de la population. En effet, « plus de six millions de personnes vivraient en dessous du seuil de pauvreté si on n’élabore pas un document qui permet non seulement d’apporter des réponses immédiates à la crise, mais également de redresser l’économie et faire renaitre l’espoir au sein de la population dans un contexte de stabilisation du cadre macroéconomique, rompre la chute continue du PIB et en même temps créer des conditions pour la relance de la croissance économique et soutenir le bien-être de la population à travers la création d’emplois décents », explique Jean Michel Silin.
Face aux effets nocifs des chocs provoqués par la crise sanitaire, le PREPOC se propose d’apporter les réponses appropriées que l’intervenant énumère ainsi : freiner la détérioration du cadrage macroéconomique ; engager les acteurs sociaux et économiques dans une dynamique de transformation et de redressement à travers les politiques publiques et des réformes qui s’inscrivent dans la durée ; susciter une prise de conscience et un engagement durable de la société sur nos problèmes économiques et sociaux structurels qui persistent en s’aggravant avec nos changements politiques intermittents.
Le PREPOC est élaboré autour de six grands piliers. Ces six piliers sont ainsi répartis : la diversification de l’économie et l'accélération de la croissance axée sur l’agriculture, l’industrie, le numérique, le mobilier ; le développement des infrastructures de base énergétique ; le renforcement de la sécurité et de l’Etat de droit ; le soutien aux petites et moyennes entreprises et à la création d’emplois ; le développement du capital humain et l’inclusion sociale ; le renforcement de la résilience aux chocs naturels.
Ces piliers sont liés à trois domaines transversaux sans lesquels leur mise en œuvre ne pourrait pas se faire. Ces domaines transversaux sont : le renforcement de la gouvernance administrative ; le renforcement de la gouvernance économique et financière et de la stabilité macroéconomique ; l’amélioration du cadre des affaires et de la compétitivité de l’économie.
Mis à part des équipes du MEF et du ministère de la Planification, il y eut également des représentants du secteur privé des affaires, de la société civile, des partenaires techniques et financiers et des groupes thématiques de réflexions stratégiques ont été créés pour donner leurs avis, leurs contributions à l’élaboration de ce document. « Nous avons bénéficié également des expertises nationales et internationales en termes de planification stratégique sectorielle, formulation de programmation en politique sectorielle et macroéconomique, a indiqué M. Silin.
Objectif du PREPOC 2020-2023
L’objectif visé par le PREPOC, poursuit l’intervenant du MEF, c’est d’atteindre un taux de croissance de l’économie de 3% en moyenne sur les 3 années et la création de 69 000 emplois dans l’économie. Cette croissance de 3% en moyenne, projetée sur les trois ans, devrait être supportée par une stratégie adoptée en matière de diversification de l’économie, dans les secteurs de l’agriculture, du textile, de la construction, du tourisme et ldu numérique.
Quant à la création des 69 000 emplois, elle pourra se réaliser en mettant tout en branle pour encourager dans un premier temps la création de 40 000 emplois dans le textile et initier un programme d’insertion professionnelle de 13 000 jeunes universitaires diplômés dans des institutions publiques et privées.
« En ce qui concerne le renforcement de la croissance, explique Jean Michel Silin, dans un premier temps on avait prévu une croissance de 2,4% pour le premier exercice fiscal (exercice en cours) ; 3% pour le prochain exercice 2021-2022 et 3,5% pour l’exercice 2022-2023 ».
Comme le PREPOC vise aussi à attaquer la pauvreté, à la fin du programme, il est prévu que la pauvreté passe de 59% (estimation 2019-2020) à 55% d’ici 2022-2023. Et le taux de chômage devrait passer pour sa part de 30% à 29,1%.
Financement du PREPOC
Pour financer le PREPOC, les planificateurs ont évalué le coût total à 347.9 milliards de gourdes. De ce montant, 190 milliards seront mobilisables à partir du Trésor public alors que les partenaires techniques et financiers ont un gap de financement de 157. 9 milliards de gourdes à combler. La stratégie de financement de ce programme passe par une émission des bons du Trésor puis de prêts internationaux concessionnels, les partenariats public-privé, les programmes d’incitation de la BRH (incitation de la participation des PME locales); les organismes autonomes devront contribuer également à travers notamment le financement du budget et des prêts accordés à l’État ainsi que des prises de participation à certains ouvrages publics, selon les explications du directeur du Budget.
Des réformes clés dans l’administration publique
Pour la réussite du PREPOC, il faut des réformes clés au niveau de l’Administration publique pour que les objectifs visés puissent être atteints. Nous sommes déjà dans l’implémentation du Budget-Programme, un système budgétaire qui associe les choix budgétaires aux politiques publiques. Le PREPOC étant un programme révélateur de politiques publiques, l’implémentation du Budget-Programme va faciliter en quelque sorte la mise en œuvre de ce plan, vu qu’il va permettre d’associer à chaque allocation de ressources des objectifs assortis d’indicateurs.
La réforme des marchés publics est importante dans la mise en œuvre du PREPOC ; le renforcement des structures d’exécution des dépenses publiques est également un élément clé ; la poursuite des réformes dans le secteur énergétique notamment à l’EDH.
Suivi et évaluation du PREPOC
« Des expériences vécues dans le passé ont montré que beaucoup de programmes ont échoué parce qu’ils n’étaient pas accompagnés d’un dispositif de suivi et d’évaluation. Avec le PREPOC, les responsables ont voulu combler cette lacune en faisant suivre le document d’un dispositif de suivi et d’évaluation qui permet aux différents acteurs de disposer à des moments précis des informations fiables sur chaque niveau d’objectif afin aux de procéder réajustements nécessaires. »
Ce dispositif de suivi et d’évaluation devra permettre : d’assurer le suivi effectif des projets, programmes et actions ; de fournir régulièrement aux différents acteurs de développement des informations pertinentes sur l’évolution des indicateurs d’intrants et de résultats ; d’évaluer les changements induits par la mise en œuvre des programmes et actions ; d’assurer une communication stratégique et soutenue entre les acteurs de développement.
En conclusion de son exposé, le directeur général du Budget, Jean Michel Silin, a mis en évidence les risques liés à la réussite dudit plan de relance. « Comme toute œuvre humaine, il y a des risques associés à la réussite du PREPOC, selon M. Silin. C’est pour cela que nous essayons de les identifier pour pouvoir y faire face au moment opportun ».
Parmi ces risques, il a énuméré tout d’abord les risques liés à la procrastination dans la mise en œuvre du PREPOC et à la stabilité de l’environnement sociopolitique (adhésion des acteurs politiques au PREPOC, etc.) ; les risques liés à l’évolution adverse de l’environnement international (hausse du pétrole, contraction de l’économie des principaux partenaires commerciaux, etc.) ; les risques liés à la survenance d’un choc naturel.
Cyprien L. Gary https://lenouvelliste.com/article/228497/le-prepoc-et-son-importance-dans-le-contexte-covid-19